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Sénégal : Pêche industrielle et pêche artisanale, l’impossible cohabitation ?

« A l’inverse des hommes, l’océan se retire pour que la mer garde ses poissons ». Ces paroles empreintes de sagesse de Pierre Dac, acteur, artiste, chanteur, sont d’une actualité brûlante dans un pays comme le Sénégal. Quel avenir pour la pêche dans ce pays côtier d’Afrique de l’Ouest ?

Béni des dieux, le Sénégal compte plus de 700 km de côtes, avec un réseau hydraulique dense: le fleuve Sénégal (1700 km), le fleuve Gambie long 1150 km (dont 477 km en territoire sénégalais), le fleuve Casamance (350 km), le fleuve Sine-Saloum (130 Km).

Cerise sur le gâteau! Le phénomène d’upwelling – remontée d’eaux froides profondes des océans le long de certains littoraux, chargées en sels minéraux –, plus particulièrement le courant des Canaries dans l’hémisphère Nord (Maroc, Mauritanie, Sénégal et Gambie), favorise une forte production biologique côtière. Selon l’IRD, plus de 40% des captures de pêcheries mondiales se font dans les écosystèmes d’upwelling bien qu’ils représentent moins de 3% de la surface de l’océan.

D’après le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 31 % des stocks de poissons sont surexploités dans le monde, ce qui signifie que ces espèces sont prélevées plus rapidement qu’elles ne peuvent se reproduire. Un phénomène trois fois plus inquiétant qu’il y a quarante ans. « L’empreinte mondiale de la pêche est beaucoup plus importante que les autres sources de production de nourriture alors que les pêcheries ne fournissent que 1,2 % des calories consommées par les humains, soit 34 kcal par habitant et par jour », remarquent les auteurs. 

Pêche artisanale: un secteur agonisant du fait de la rareté des ressources.

Lors d’une interview accordée à “La Voix de l’Amérique” (VOA)  Abdoulaye Diatta, pêcheur et fils de pêcheur à Yoff Tonghor, affirme : « Mon grand-père me racontait que de la plage, ’on pouvait voir du poisson en abondance, …les pirogues n’avaient pas besoin d’aller loin, encore moins de passer des nuits en mer». Mais ça, c’était avant ! La belle époque ou les filets des pêcheurs se remplissaient sans trop d’efforts!

Selon Alexandre-Reza Kokabi de Reporterre (le quotidien de l’écologie) aujourd’hui, 600 000 pêcheurs soit plus de 17% de la population active, 20 000 pirogues artisanales et quelque 160 navires industriels, écument les 718 km de côtes du Sénégal à la recherche de la précieuse ressource halieutique.  

Le «Programme régional de renforcement de la collecte des données statistiques des pêches dans les États membres et de création d’une base de données régionales» de l’UEMOA, a permis au Sénégal de réaliser en 2014,  l’enquête-cadre de la pêche artisanale maritime. De ce document, il ressort qu’à l’échelle sous régionale, le Sénégal qui compte 72% du parc piroguier des pays de l’UEMOA, avec un taux de motorisation de 85%, s’impose en leader. En 2016, la pêche artisanale débarquait 397 871 tonnes de poissons contre 89 564 pour la pêche industrielle pour une valeur globale estimée à 180 milliards FCfa, selon les statistiques de l’Agence Sénégalaise de la Statistique et de la Démographie (ANSD) dans son rapport « Situation économique et sociale du Sénégal en 2016 ».

 Les pêcheurs de ce pays d’Afrique de l’Ouest, concentrés principalement dans les régions de Thiès (40%), Saint-Louis (22%) et Dakar (15%), pratiquent aujourd’hui une pêche artisanale de plus en plus tournée vers la productivité, avec une propension pour l’exportation. Aussi les ressources démersales côtières comprenant principalement les crustacés (crevette côtière, langouste, crabe, et la plupart des poissons dits nobles du Sénégal (sole, rouget, capitaine, mérou, dorade), des céphalopodes (poulpe, seiche) sont-elles particulièrement recherchées en raison de leur forte valeur marchande.

Les ressources pélagiques côtières (plus de 70 % des prises réalisées dans la  Zone Économique Exclusive Sénégalaise) ne sont pas en reste parce que constituant-elles l’essentiel des captures de la pêche artisanale ainsi que la part la plus importante de la consommation annuelle per capita en poisson des populations sénégalaises.

La mise en place d’une politique de réduction des pertes post-capture à travers la mise en œuvre du programme froid, avec l’embarquement de glacières et autres dispositifs de conservation du produit, a permis à ces pêcheurs d’aller plus loin et plus longtemps, d’où l’explosion spectaculaire des débarquements de poissons constatés ces dernières décennies.

Pêche Industrielle: Pression inédite sur une ressource en déclin. 

Ces deux dernières décennies, l’irruption des bateaux de pêche industriels dans les pêcheries n’a fait qu’aggraver la situation déjà chaotique. Dans un article paru dans «Le Monde» en date du 22/02/2018, il est fait état d’«une carte inédite, basée sur des données satellitaires, révèle que les navires opèrent sur 200 millions de km2, une zone quatre fois plus vaste que celle utilisée par l’agriculture ».

« C’est une nouvelle illustration de la colossale pression que l’humain exerce sur les océans. La pêche industrielle exploite au moins 55 % de la surface des mers dans le monde – soit plus de quatre fois la superficie occupée par l’agriculture sur terre. » Ce sont les conclusions d’une vaste étude, publiée dans Science vendredi 23 février, qui passe au crible, l’ampleur de la pression que subissent les stocks de poissons partout sur la planète.

Pêche industrielle et pêche artisanale: quelle relation de voisinage? 

Toutefois, les conséquences du changement climatique, de la surpêche, de la pêche illégale et des mauvaises pratiques de pêche ont sonné le glas des relations de bon voisinage entre ces deux acteurs qui jusqu’a lors restait dans la zone qui lui était dévolue. En effet,quelquefois des bateaux étrangers embarquent des pêcheurs locaux pour bénéficier de leur expérience du milieu ou des pêcheurs locaux vendent le fruit de leur « marée » à ces mêmes bateaux. Aujourd’hui, la ressource s’est raréfiée et cette cohabitation devient de plus en plus problématique. !

Selon la journaliste de La Voix de l’Amérique (VOA) Salwa Jaafari, « en deux mois, Greenpeace et les représentants de la zone ont inspecté 37 bateaux de pêche suspects et relevé 11 infractions. Selon le rapport de Frontiers in Marine Science de Mars 2017, la pêche illégale étrangère dans les eaux sénégalaises, est estimée à 261 000 tonnes de poissons par an, entre 2010 et 2015 ! » 

Pour Moussa Mbengue de l’Association ouest-africaine pour le développement de la pêche artisanale (Adepa), la décision de l’Etat d’accepter de cogérer la pêche artisanale, a été primordiale : « Auparavant, c’était une gestion conventionnelle dirigiste, où l’État imposait les règles. Mais elles n’étaient pas toujours appropriées pour les professionnels de la pêche et ils ne les respectaient pas. »

La création des premiers Conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) en 2005 et celle de la Zone de Pêche Protégée (ZPP) en 2007, a constitué le début d’une démarche prometteuse. Abdoulaye Ndiaye, coordonnateur national du réseau des CLPA du Sénégal et gestionnaire de la Zone de pêche protégée (ZPP) de Ngaparou, témoigne« Huit mois après que cette mesure a été mise en place, de la plage, nous pouvions suivre des yeux les bancs de poissons. Nous n’avions plus vu cela depuis des années. Et il y a peu de pays dans le monde où l’on peut voir ça. » Rien n’y est de trop pour la reconstitution des stocks, jusqu’à l’interdiction de l’utilisation des jet-ski (pour cause de…pollution sonore) par les touristes venus changer d’air dans les hôtels voisins.

Force est de constater qu’à chaque fois que le savoir-faire et l’expérience des acteurs locaux de la pêche ont été reconnus et mis en avant, les résultats ont suivi. Aussi, le véritable enjeu n’est-il pas pour les autorités, d’écouter et de donner les moyens à cette communauté, qui par-delà, les enjeux économiques, est consciente que « les richesses de la mer sont un bien commun, elles nous ont été léguées par nos parents et nous avons le devoir de les transmettre à nos enfants ». Parce que la mer représente pour cette communauté, plus que tout autre, un patrimoine. D’où la nécessité d’une gestion durable.

 

Source: Greenpeace

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Adama Diagne

Community Manager chez aywajieune SAS